Les villes de compagnie et l’art de l’urbanisme

De la Deuxième Révolution industrielle à la Seconde Désindustrialisation

Les villes de compagnie sont des communautés planifiées à entreprise unique, généralement centrées autour d’une seule industrie, où une entreprise commande un plan d’urbanisme, construit des logements pour ses travailleurs et met en place des installations récréatives, commerciales, institutionnelles ou communautaires. Cette recherche de 5 ans financée par le CRSH étudie les villes de compagnie construites principalement au 20e siècle, qui sont maintenant menacées par une deuxième vague de désindustrialisation, car, à part les études ou les monographies de villes individuelles qui peuplent la littérature, il n’existe pas de cadre de référence qui permettrait leur analyse ou leur conservation en tant qu’environnements bâtis dans leur ensemble. Cette situation est particulièrement critique au Canada et dans d’autres territoires dits « frontaliers » qui se sont développés parallèlement à l’extraction des ressources, car ils ont, en raison de la nécessité pour les entreprises d’installer les travailleurs dans des communautés toutes faites, déterminé des parties décisives de leurs paysages ainsi que de leur mémoire collective.

Dans cette optique, la recherche vise à construire de nouvelles connaissances et une compréhension des villes d’entreprise, grâce à sa perspective transversale, en examinant les facteurs historiques et spatiaux qui les relient au-delà des frontières nationales, en soutenant les efforts de valorisation de leur patrimoine et en contribuant à l’histoire (très jeune) de la planification moderne en la recadrant grâce à un changement de paradigme. Ce changement de paradigme considère la planification comme un art de créer des lieux (au lieu de gérer des espaces), englobant ainsi les villes d’entreprise du XXe siècle comme l’une de ses principales créations, de la conception originale des villes d’entreprise aux questions de préservation qui marquent les processus, les actions et les intentions de la planification urbaine d’aujourd’hui.

Au-delà des typologies industrielles ou des études sur la classe ouvrière, les villes d’entreprise sont considérées ici comme un corpus unique en raison de la relative homogénéité des conditions industrielles qui ont entouré leur naissance et leur évolution ; cela est particulièrement vrai du point de vue de l’urbanisme, car leurs modèles se réfèrent souvent les uns aux autres à travers le monde, formant des réseaux inexplorés mais déterminants. Cette recherche explore diachroniquement ce corpus dans la double perspective de la particularisation et des relations qu’ils entretiennent entre eux sur la scène mondiale. Elle documente ainsi la genèse des villes d’entreprise en s’intéressant aux formes (projetées et construites), ainsi qu’aux représentations historiques, à travers quatre axes de recherche : a) l’intention communautaire du projet de ville d’entreprise ; b) la fabrication de symboles qui donnent sens au cadre de vie, par exemple à travers l’utilisation de formes bâties vernaculaires ou historiques ; c) la circulation des idées et des théories ; et d) les moyens techniques, économiques et juridiques qui leur ont donné une forme tangible.

La recherche est inductive et porte sur quelque 260 villes, ainsi que sur les contextes de leur création, en se concentrant plus particulièrement sur une centaine d’entre elles. Nous nous appuyons principalement sur deux formes primaires de documents : la ville d’entreprise construite telle qu’elle nous est parvenue et son plan ; d’autres archives relatives au contrôle du développement, au zonage, à la construction, à la propriété et aux travaux d’urbanisme complètent la documentation, ainsi que le discours publié sur la ville de compagnie, tandis que nous construisons notre interprétation d’une ville d’entreprise à l’autre, tout en forgeant une image générale qui nourrit ensuite notre vision holistique de chacune d’elles.

En marge des articles, ouvrages et conférences issus de la recherche (une liste partielle est disponible ci-dessous), celle-ci est rendue disponible au grand public par l’entremise de deux expositions virtuelles, sur les Villes de compagnie au Canada et sur un corpus d’environ un millier de villes de compagnies dans le monde, présenté par l’entremise de l’Atlas du patrimoine urbain. En effet, la synthèse des connaissances produites par la recherche et une cartographie interactive des villes de compagnie considérées sera disponible dans les prochaines semaines à partir de cette page, par l’entremise de cet Atlas du patrimoine urbain mis en place par la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain. Suivez-nous pour en savoir plus!

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