Lucie K. Morisset
« Fêtes », « Route », « Site », « Seigneurie » de la Nouvelle-France, « Musée virtuel de la Nouvelle-France » ont, ces dernières années, remis la Nouvelle-France à l’avant-plan au quotidien. Pourtant, lieu de mémoire ou structure du paysage québécois, l’établissement des Français en Amérique n’est guère documenté : au mieux déclinée en configurations parcellaires ou architecturales à l’enseigne d’approches qui ont présumé l’occupation « par nécessité » du territoire, la Nouvelle-France se trouve le plus souvent noyée dans l’introduction d’histoires de l’architecture élargies et, forcément, à l’enseigne d’approches généralisantes. Ainsi les formes urbaines de la Nouvelle-France ont-elles été réduites à l’état de réponses fonctionnelles, ce qui étonne en regard de la culture urbaine de l’Ancien Régime, dominée du 16e au 18e siècles par la représentation. Et si la Nouvelle-France était, elle-même, une représentation ?
Problème étudié
Si la Nouvelle-France était une représentation, la planification urbaine en serait l’image. Cela, qui expliquerait peut-être le caractère particulièrement « urbanisé » de la Nouvelle-France par rapport au reste de l’Amérique du 17e siècle, justifierait surtout l’abondance des corpus documentaires et les efforts investis dans les nombreuses narrations, ordonnances ou cartes et plans richement colorés qui hantent les archives en quête de nouveaux chercheurs. La Nouvelle-France serait un projet urbain, né de l’idéal de fondation d’une société de cour qui fit de la ville un espace représentatif rigoureusement conventionnel.
Comprendre la ville de la Nouvelle-France impliquerait ainsi que, en amont de « l’objet », on cerne le « projet » à travers les images et les pratiques qui codifient l’urbanité, c’est-à-dire qu’on trace le tableau de « l’idée de la ville en Nouvelle-France ». Ce programme vise à connaître les figures de la planification urbaine en Nouvelle-France et à renouveler l’interprétation des documents qui y furent produits et des établissements qui y furent construits, à l’aune de la culture urbaine nouvelle que les Français déployèrent sur un territoire présumé vierge, par l’entremise duquel la représentation devint réalité.
La ville de la Nouvelle-France et les documents qui la projettent ou la « décrivent » seront considérés comme des « discours » dont on lira le vocabulaire urbain (la place, la fortification, l’alignement, le cours, etc.) afin de décoder la projection et de rendre signifiant « l’atterrissage », et, plus globalement, de comprendre les formes, les pratiques et les matérialisations du lieu Nouvelle-France, dans une perspective à la fois synchronique et diachronique, c’est-à-dire consciente du poids, entre la Nouvelle-France et nous, d’une historiographie qui à sa façon matérialisa aussi l’idée de la ville.