Luc Noppen
Montréal, autrefois dite la « Rome d’Amérique », compte aujourd’hui quelque 600 lieux de culte, souvent catholiques romains, majoritairement chrétiens, mais aussi judaïques, islamiques, bouddhiques, parmi d’autres. Près de la moitié d’entre eux seront désaffectés d’ici dix ans.
Ce projet concerne ces églises qui ont profondément marqué l’urbanisation de Montréal, déterminent son paysage construit et imprègnent l’imaginaire collectif de ses habitants et de ses visiteurs. Devant l’imminence de leur requalification ou de leur disparition, il vise à en connaître, en comprendre et en contextualiser les figures architecturales, pour produire des savoirs utilisables par ceux – décideurs, professionnels, collectivités – qui auront à choisir de leur conservation et de leur mise en valeur.
Dans le contexte actuel d’explosion des corpus patrimoniaux, la littérature existante, en effet, confine les églises à un genre mineure de l’histoire de l’architecture. Au Québec, où « nos églises sont nos châteaux », cette situation est d’autant plus criante à Montréal où, hormis quelques « cas-vedettes » (Notre-Dame, par exemple), le savoir sur chacune des églises est particulièrement lacunaire et peu contextualisé. Ainsi, bien que tous s’entendent sur une spécificité rémanente de l’architecture ecclésiale montréalaise, force est de constater qu’on n’en connaît ni les ingrédients, ni les monuments. Métropole du Canada au 19e siècle, métropole du Québec depuis, la « ville aux cent clochers » (comme on se plaît à l’appeler) n’est pourtant pas en reste de l’histoire de l’architecture nord-américaine, pour peu que l’on retourne aux sources (les bâtiments) pour caractériser une « vie des formes » endogène, ignorée jusqu’ici par les cadres explicatifs normatifs traditionnels. À l’aune de la quête de particularité d’une Église catholique romaine dominante, ce projet dégagera la « montréalité » des églises de Montréal, c’est-à-dire l’originalité de l’architecture ecclésiale montréalaise dans un contexte de rivalité inter-confessionnelle qui multipliait les modèles, mais aussi dans un contexte de production (enseignement, matériaux…) favorable à l’innovation qui devait sous-tendre la distinction des cultes et leur prosélytisme architectural. Une Histoire critique de l’architecture ecclésiale à Montréal aspire donc, du particulier au général, à documenter et à interpréter les églises et le paysage montréalais qu’elles forgent, notamment grâce à un cadre théorique renouvelé qui positionne le contexte montréalais au sein de l’histoire de l’architecture québécoise et canadienne et par le biais, entre autres, d’une stratégie de recherche qui convoque la capacité d’analyse et de médiation de la conception architecturale assistée par ordinateur (CAAO, i.e. modélisation 3D).