MSL9006 La patrimonialisation

Ce séminaire sur La patrimonialisation vise notamment à faire comprendre le patrimoine, au-delà du débat sur l’essence et la qualification, comme un fait d’actualité structuré par des enjeux internes et externes. À partir de son positionnement dans le programme de doctorat en muséologie, en médiation et en patrimoine et construit en fonction des préoccupations des étudiants, il a ainsi pour objectifs d’apprendre à identifier ces enjeux, à cerner leurs mécanismes, principalement au Québec et en Occident, à maîtriser les procédés institutionnels et les arrière-plans imaginaires de la patrimonialisation et, évidemment, à saisir celle-ci comme une représentation.

Curiosité scientifique marginale à la fin des années 1990, la patrimonialisation a, en moins de deux décennies, intégré le discours circulant. Avec elle, l’idée de patrimoines qui ne seraient pas de simples acquis, mais bien des représentations nées de constructions sociales, s’est taillée une place honorable dans de nombreux cercles universitaires, voire dans les milieux d’élaboration des politiques. Avec l’avènement, dans la foulée des études patrimoniales francophones, des critical heritage studies, on peut même dorénavant parler d’une épistémologie de la patrimonialisation, tantôt conçue comme un processus, tantôt décodée comme un discours : des centaines de titres, rien qu’en français et en anglais, font foi de cette formidable expansion. Le patrimoine n’en reste pas moins extraordinaire, doté qu’il est d’une place et d’un statut de plus en plus centraux dans nos sociétés civiles ; la patrimonialisation invite dorénavant à le comprendre comme un objet d’herméneutique, traduction d’états et de phénomènes de société.

C’est à une réflexion de ce type que le séminaire La patrimonialisation veut convier ses participants, en vue de les accompagner dans un questionnement qui transcende la consécration positiviste d’objets épars dont a déjà été victime le corpus patrimonial. Ainsi, ce séminaire choisit d’interroger l’état et le devenir du patrimoine en interpellant à la fois les processus et les discours par l’entremise d’une morphogenèse, d’une sémiogénèse et d’une sociogenèse du patrimoine, c’est-à-dire par le biais de l’étude, en classe et au fil des travaux (principalement un dossier de presse commenté et un essai sur une patrimonialisation) que produiront les participants, de la transformation des formes, des significations et de la société patrimoniale. Au-delà de considérations ontologiques et épistémologiques qui permettront d’établir un bilan des savoirs foisonnants sur la patrimonialisation, le séminaire abordera le patrimoine comme une œuvre, c’est-à-dire comme une invention orientée, caractérisée par un auteur (ou un groupe d’auteurs), un contexte de production et un contexte de réception, et ponctuée, notamment, par des opérations de caractérisation, de conservation et de valorisation, répétées ou non. Greffé à l’approche et au cadre heuristique de la mémoire patrimoniale et des régimes d’authenticité, il abordera successivement divers corpus patrimoniaux à partir de trois grandes questions, prises rétrospectivement ou prospectivement : « qui fabrique le patrimoine ? » ; « comment fait-on du patrimoine ? » ; « qu’est-ce qui fait le patrimoine ? ». Ce sont ces trois axes– qui, comment et quoi – qui structurent ce séminaire, dans la perspective notamment de cerner le « pourquoi » qui permettra de mieux identifier les enjeux de la patrimonialisation, hier, aujourd’hui et demain.